DARING ESCAPES (avec Houdini)

Publié le par Duke_Oliver

Aux débuts de la série Spawn, Todd McFarlane n’a pas encore façonné son univers comme il l’a fait par la suite. Il fait appel a de célèbres scénaristes qui écriront chacun un épisode. Puis Grant Morrison écrira un arc en trois parties, voyant l’arrivée de Greg Capullo sur la série. Les deux épisodes suivants, les #19 et #20, le scénario est de Andrew Grossberg & Tom Orzechowski. Deux noms inconnus ? Le premier est un ami du second. Le second est le lettreur attitré de la série, et en deviendra même rédacteur à une époque. Leur arc en deux épisodes se démarque : Spawn y forme un duo avec le magicien Harry Houdini. Un Houdini venant en fait d’une dimension parallèle et possédant de réels pouvoirs. Ensemble, ils vont contrecarrer un attentat à la bombe atomique, observé par des démons de ladite dimension. Le ton est plus fantaisiste que le reste de la série. Quatre ans plus tard sort chez TMP/Image le titre Daring Escapes. Il met en scène Houdini, et est la création de Grossberg & Orzechowski. Oui, les deux compères prolongent ce qu’ils ont exposé dans la série Spawn, en proposant cette mini-série en quatre épisodes.

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Daring Escapes : 
septembre, octobre, novembre 1998 et mars 1999 -22 pages de BD sur 36 chacun - 2.50 $ chacun
Scénario : Andrew Grossberg & Tom Orzechowski
Dessin : Alan Weiss
Encrage : Arthur Nichols (#1) et Jim Fern
Couleur : International House of Color (Reuben Rude, Abel Mouton, Bill Zindel & Lea Rude) (#1)
et Color-O-Matic

L’histoire :
Dans la dimension parallèle Overlap, Houdini est chargé par 9 de retourner sur Terre récupérer le buste de marbre créé par Spawn lors de son précédent passage sur Terre (Spawn #19 p.18). Houdini s’exécute, mais veut d’abord faire un détour par Rome. En 1492, Christophe Colomb essaie de convaincre le Pape Alexandre VI de chapoter financièrement son voyage par les mers. Il refuse. Houdini lui adresse la parole. Il est perçu comme un traître par le Pape. Emprisonné, Houdini s’échappe et emprunte le portail par lequel il est venu. Le Pape assiste à la scène magique et décide de le suivre. Il se retrouve dans une salle de trophées, et s’empare du Cœur Sacré, qui renferme un démon et un ange, qui vont alors partager sa conscience. Houdini est tenu responsable des évènements par le perfide 9. Il doit alors retourner chercher Alexandre VI dans les méandres spatio-temporels. 1503, Italie, Houdini débarque sur le campement d’un cirque itinérant. Ils se rendent au Palace du Pape Alexandre VI. Houdini n’arrive pas à mettre la main sur le Pape.

De nos jours, Alexandre VI, devenu à la fois immortel grâce au Cœur Sacré et fou à cause des deux voix dans sa tête, a monté un immense empire religieux.
Une ange est envoyée en mission pour subtiliser la statue de marbre aux relents maléfiques.
Sur le toit de l’immeuble, les quatre voyous s’étant confrontés à Spawn et Houdini (Spawn #19) gardent précieusement la représentation féminine statufiée. Après avoir violemment stoppé une première tentative, ils sont attaqués par des religieux surarmés en hélicoptère ! Houdini apparaît pour prendre la statue à leur place. L’ange s’interpose maladroitement, et c’est finalement les religieux à la solde d’Alexandre VI qui repartent avec l’objet désiré.

Après explication, Houdini et l’ange font équipe. Ils se rendent à l’église et assistent au rituel qui se prépare : un dispositif a pour but de libérer le Pape de ses deux voix intérieures qui le minent depuis 500 ans. Houdini reconnaît alors le visage du Pape : lors d’une représentation en 1913, un homme était intervenu sur scène pour lui demander de l’aider à enlever les voix dans sa tête. C’était Alexandre VI, qui avait traversé les siècles, immortel et amaigri, mais en proie à la voix du petit démon et de la petite ange.

Le présent. Le laser transperce le buste de marbre (objet diabolique) puis l’orbe miroir à la croix (objet angélique) pour enfin atteindre le Pape. Ce dernier retrouve son apparence d’il y a 500 ans et est débarrassé des deux parasites dans sa tête. Houdini et l’ange sont repérés. Le Pape veut que Houdini souffre autant qu’il a souffert. Houdini fait tomber le Cœur Sacré, qui se casse, faisant apparaître dans notre réalisé le démon et l’ange. Tout le monde se bat. À la fin, le Pape est mis hors d’état de nuire, le traître Judas est démasqué, l’ange Zamzagiel venu en renfort arrive après la bataille. Le petit démon et la petite ange demeurent à Overlap, Judas est en attente de jugement, et Alexandre VI va rôtir en Enfer.

Mon avis :
En feuilletant ces comics, je m’attendais à quelque chose de débridé, avec la crainte que son originalité se révèle hermétique. Après lecture, mon ressenti est bel et bien celui-là, mais pas dans le bon sens du terme. Dans le fond, on est face à des idées bien barrées : personnages loufoques, dérivés de personnalités et faits avérés, dimensions bizarroïdes, voyages spatio-temporels, critique de la religion… c’est foisonnant !
 
Dans la forme, c‘est laborieux. Au début, on est perdu : les idées barrées sont exposées sans préambule. Heureusement, les tenants et aboutissants de cette histoire se révèleront plus tard, permettant de tracer une ligne logique dans tout ça. Épisode par épisode, c’est déstabilisant. Il faut attendre et être patient pour tout comprendre. L’intrigue est pour moi difficilement intéressante : on a du mal à s’attacher aux personnages, et cet univers de magie annihile automatiquement tout sentiment de danger palpable. Sa parenté avec les Spawn #19 et #20 est finalement pauvre : ce n’est réellement qu’un simple objet qui relie les deux.
Côté scénario, le jongle entre les scènes fonctionne. Le texte est abondant, mais également balourd. Côté dessin, il est signé du vétéran Alan Weiss. Un style classique et agréable, grâce à un trait expressif et surtout à des mimiques délectables. Malgré les bonnes intentions, cela reste tout de même trop cintré par rapport à la fantaisie voulue.

Le rapport avec Spawn n’est pas des plus flagrants. Il y a l’Enfer et le Paradis, mais ce ne sont pas ceux de l’univers Spawnien. Il y a bien des anges en armures, mais ils ressemblent plus à l’Angelus de Top Cow qu’à Angela and co. Non, l’élément commun est un objet, que l’on aperçoit dans une seule case de Spawn #19. Il y a aussi les quatre voyous sur le toit de l’immeuble : trois pages dans Spawn, quatre dans Daring Escapes. Spawn n’apparaît dans Daring Escapes qu’à la p.3 du #1. Houdini y raconte et résume sa mission dans Spawn #19 et #20. Spawn est dessiné dans deux cases, quand il est tiré par la cape par Houdini, et quand il assiste à un cours de magie/pouvoir sur le toit d’un immeuble de New York (Spawn #19).
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En guise de bonus, le #1 propose un texte du mythique Jim Steranko consacré au vrai Harry Houdini (de son vrai nom Ehrich Weiss). Le #2 une intro tardive de Andrew Grossberg. Le #3 un courrier des lecteurs (d’ailleurs, sur les quatre lettres, deux sont de fans français !). Et enfin le #4 une explication de Tom Orzechowski. On apprend ainsi la genèse de cette création. Aux débuts de Spawn, Todd McFarlane demande à Orzechowski, lettreur de la série, d’écrire le premier Annual. Avec son ami Grossberg, ils écrivent un script où l’inexpérimenté Spawn est affublé de Houdini. Une personnalité réelle, mais dans un contexte imaginatif. Le scénario dessiné par Greg Capullo finira finalement directement dans la série Spawn. Quelques années plus tard, le projet d’un Annual refait surface et rebelote : McFarlane demande à Grossberg & Orzechowski de lui proposer quelque chose. Les deux décident de donner une suite à ce qu’ils ont fait. McFarlane refuse, n’aimant pas leur approche de son personnage Spawn. Mais aime bien leur histoire, et leur propose de la publier (il encre d'ailleurs la couverture du #1). Les deux amis enlèvent donc Spawn de leur histoire, et l’étirent, donnant le présent Daring Escapes. Le premier Annual de Spawn sera finalement un récit d’horreur urbaine signé Paul Jenkins & Ashley Wood, traduit dans l’album Spawn: De Ténèbres et de Sang par Semic, et réédité sous le titre Spawn: De Sang et d’Ombres chez Delcourt.

Publié dans Inédits VO

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